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Cancers ORL : les grands principes thérapeutiques_3_

  Les lambeaux vont permettre aussi le rétablissement de la continuité pharyngo-oesophagienne après pharyngolaryngectomie circulaire (lambeau antébrachial microanastomosé, etc.) ou de fermer un orostome ou un pharyngostome chirurgical et protéger ainsi un axe carotidien en prévenant fistule et sepsis cervical particulièrement en situation post-radique. Ceci implique une fiabilité optimale du lambeau et une morbidité
minimale du prélèvement. En parallèle avec l’objectif carcinologique, la réinsertion socioprofessionnelle
grâce à une restauration de la qualité de vie doit être prise en compte d’emblée. Il s’agit de limiter les
séquelles fonctionnelles par la préservation ou le rétablissement des fonctions de mastication, de déglutition, d’élocution et d’ouverture buccale, mais aussi de diminuer la rançon esthétique à la fois cervicofaciale et au niveau du site de prélèvement du lambeau. C’est donc savoir utiliser des techniques fiables pour conserver la mobilité linguale et l’indépendance des structures anatomiques (vestibules, plancher de la bouche), restaurer la continuité mandibulaire ou préserver la fonction vélopharyngée, ou bien encore restaurer la sangle labiomentonnière ou préparer et faciliter une réhabilitation dentaire ultérieure. Pour cela, il faut disposer d’un large choix de moyens de reconstruction adaptés à chaque type d’exérèse et d’une fiabilité maximale.
  Toutes ces techniques vont trouver une place de choix dans la réparation des tissus radionécrotiques ; il s’agit d’une chirurgie délicate et difficile, comme celle de la prise en charge d’un pharyngostome post-radique évolué ou d’une ostéoradionécrose mandibulaire.
Enfin, la réhabilitation du laryngectomisé permet actuellement d’obtenir des résultats particulièrement gratifiants grâce à la mise en place d’une prothèse phonatoire dans le même temps que celui de la laryngectomie, l’utilisation précoce de filtres de trachéostome puis d’une valve phonatoire “mains libres” qui permet une vocalisation quasi naturelle grâce à une rééducation orthophonique ciblée.
  Radiothérapie
   La radiothérapie est un traitement dit “locorégional” parce qu’il agit directement sur la zone du cancer et sur sa proche périphérie, notamment sur les premiers ganglions. L’irradiation par voie externe (transcutanée) est le type de radiothérapie le plus utilisé.
  Le traitement par radiothérapie implique un compromis entre la nécessité d’irradier suffisamment le tissu cancéreux pour permettre le contrôle local de la tumeur et la volonté d’irradier au minimum les tissus sains voisins afin de limiter la morbidité. Les progrès technologiques en imagerie médicale, en informatique et en radiothérapie ont permis, depuis une décennie, de développer la radiothérapie conformationnelle, qui se “conforme” au mieux à la géométrie dans l’espace tridimensionnel de la tumeur. La radiothérapie  conformationnelle en 3 dimensions (RC3D), en conformant les faisceaux d’irradiation au volume tumoral à traiter, présente théoriquement 2 avantages. D’une  part, pour une dose d’irradiation similaire à la radiothérapie conventionnelle, elle diminuerait la morbidité des tissus sains voisins. D’autre part en permettant d’augmenter la dose dans les tissus cibles, elle vise à améliorer le contrôle tumoral local, sans accroître la morbidité induite. On parle alors d’optimisation de l’index thérapeutique (rapport efficacité/toxicité).
Cela est d’autant plus important dans les cancers des voies VADS, où les volumes cibles tumoraux sont à proximité de nombreux organes sensibles (que l’on souhaite donc protéger) comme la moelle épinière, la peau et les muqueuses, les pièces osseuses et cartilagineuses, les dents, les glandes salivaires (parotides), mais également les globes oculaires, les nerfs optiques, l’encéphale, etc. Il faut bien se représenter que le ou
les volumes-cibles considérés incluent non seulement la tumeur proprement dite, mais également les territoires d’extension éventuels et les aires ganglionnaires de drainage. L’étape ultérieure est la radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité ou “RCMI”. Par son principe physique, elle permet de modifier volontairement la dose au sein même du champ d’irradiation, en modulant l’intensité en énergie des faisceaux d’irradiation [8]. Le progrès de cette technique, devenue opérationnelle en France au cours de l’année 2000,
réside essentiellement dans sa capacité à épargner les organes à risque et à couvrir de façon plus efficace (plus homogène et plus précise) les volumes cibles. C’est notamment le cas où les volumes cibles sont de forme concave autour d’organes à risque (tumeur de la paroi pharyngée postérieure enroulée autour de la colonne vertébrale par exemple) et plus particulièrement en cas de nécessité d’irradier de nouveau une tumeur [9]. Cette technique permet également l’escalade de dose avec un meilleur index thérapeutique, avec comme espoir un meilleur contrôle de la maladie et une amélioration notable de la qualité de vie. En effet, la protection des glandes salivaires peut apporter un confort non négligeable pour les patients, en diminuant voire en évitant l’hyposialie ou encore “xérostomie”, séquelle parfois majeure bien connue des traitements
par irradiation sur la sphère ORL.
L’index thérapeutique de la radiothérapie peut également être augmenté par différents moyens comme les modifications du fractionnement, l’utilisation de radiosensibilisants ou de radioprotecteurs ou l’association avec de la chimiothérapie. Les progrès obtenus (ou attendus) grâce à ces possibilités incitent à s’interroger sur la place actuelle de la radiothérapie conventionnelle dans les cancers des VADS [10]. Le fractionnement peut concerner la dose totale ou le temps total. À partir des modifications de ces paramètres, trois schémas
sont possibles : hyperfractionné (augmentation de la dose totale à temps constant), accéléré (diminution du temps total sans modification de la dose totale) voire très accéléré (diminution du temps total et de la dose totale).
  Au cours de la radiothérapie hyperfractionnée, la diminution de la dose/fraction permet d’épargner les tissus sains à renouvellement tardif concernés par les effets tardifs du traitement (fibrose, nécrose). La dose peut être augmentée jusqu’à 80 Gy. Cette radiothérapie modifiée s’avère supérieure à la radiothérapie conventionnelle en termes de contrôle tumoral local. En revanche, elle a peu d’impact sur la survie. Cependant la toxicité tardive, qui reste un facteur limitant de l’irradiation, n’est pas influencée par l’augmentation de la dose totale.

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